Des fois, ben oui faut bien …

Des fois, il y a des expériences qui marquent plus que d’autres, la première fois, le premier voyage, le premier amour, la première ivresse. Je viens de vivre en immersion un mois, un mois à créer, rencontrer, échanger, partager, un mois …
Moi qui suis plutôt un solitaire me voici plongé dans un duo créatif.

Depuis un moment j’ai compris que le grand soir ne viendrai pas, que le grand capital écrase tout, sali tout, fait tout.. Mes petites idées utopistes ne valent rien dans ce monde ultra violent régi par la culture du corps, de la jeunesse éternelle, de l’apparence dictée par des influenceurs numériques sans âme, la compétition… Là où devrait régner le faire ensemble, les féministes castres, les extrémistes, écrasent au lieu d’éduquer, on zappe sur la vidéo suivante…

Lorsque je m’arrête deux minutes pour regarder tout ça, j’ai surtout une profonde nostalgie qui me submerge avec, en fond, une chanson des Béruriers Noirs qui résonne, tous unis, nous devions changer tout ça…

C’est avec cette mélancolie et ma désespérante envie d’y croire encore un peu que j’ai retrouvé pendant un mois, un des rares, voire unique créatif avec qui je pouvais faire cela, un de ces artistes sans égo, tellement rare… Il partage en plus la même envie de… partager.

A l’origine, ( vous pouvez suivre notre histoire ICI, c’est lors de la restitution de la résidence que l’on a rejoué notre rencontre); à l’origine donc, une benne à ferraille où Mititeï et moi même avons rigolé avant même de parler.

Entre deux fou-rires, nous avons beaucoup échangé, alors que les autres étaient en mode bière et soudure. Nous, on soudait, on parlait de projets fous, tous plus fous les uns que les autres, nous en réaliserons d’autres certainement, mais celui qui émergea en premier était le STOP SHOP,


L’idée de proposer une autre voie pour l’art, une autre voie que celle de l’argent qui régit tout,  » t’as bien vendu ? », combien de fois l’ai-je entendu cette question ? Avant même de savoir si j’avais fait de belles rencontres, ou si j’étais bien, ou encore si j’avais échangé avec d’autres créatifs, non. En général, le créatif s’en fou de savoir si tu es bien, lui, il veut savoir si t’as vendu, puis deux fois sur trois, il aura bien sûr, plus vendu, fait un plus gros chiffre, compétition de celui qui pisse le plus loin… Et puis il y a aussi le public, lui montrer que nous sommes comme eux, que nous ne sommes rien de plus que de la chair qui dessine ou assemble des trucs. Il faut redonner une place active aux visiteurs, les remettre au centre des expositions, et quoi de mieux qu’un échange ? En effet, ils doivent se mouiller pour recevoir l’œuvre qui les as fait vibrer…

Extrait du projet :

« Nous ne comptons plus le nombre d’expositions, de salons d’arts et autres manifestations où nous
sommes repartis avec le même sentiment de non-sens qui impactait sur notre mental, bien plus
fort et durablement qu’une fatigue physique.
Quand vous passez plusieurs semaines, voire plusieurs mois, à imaginer et construire une
exposition, vous savez pourquoi vous êtes fatigués. Parce que jusqu’ici, tout ce chemin a du sens.
Parce que vous savez que vous allez mettre à profit toute cette énergie, pas uniquement et
seulement pour vous seul; vous savez que cette énergie va stimuler, éveiller, faire réagir et vous
revenir pour vous surprendre à votre tour et permettre de vous interroger afin de vous réinventer.
Et quand vous constatez encore une fois que cette énergie n’a que trop peu circulé, vous remettez
en question le fond alors que c’est la forme qui doit changer fondamentalement !
Aujourd’hui, nous ne voulons plus, par exemple, terminer une exposition et savoir que certaines de
nos œuvres sont parties sans que l’on puisse raconter leurs histoires et rencontrer leurs
acquéreurs. Parce que, pour nous, il est de notre responsabilité de respecter ces histoires qui sont
à l’origine de notre créativité.
L’histoire est importante, elle est au départ de l’œuvre même si parfois, au commencement,
celle-ci n’a pas d’histoire. Elle se construit et s’étoffe au fil de son élaboration jusqu’à ce que le titre
qu’on souhaite lui donner devienne une évidence, comme le prénom d’un enfant que l’on viendrait
de reconnaître; pour qu’il ait une identité propre à lui et puisse construire sa vie.
Nous ne visons pas le chef-d’œuvre, l’important c’est le processus.
Nos créations ne sont jamais le fruit du hasard, même si elles arrivent alors que nous n’avions pas
imaginé leurs venues. Elles sont presque toujours en lien avec ce que nous vivons et ce que nous

sommes. Parfois il faut faire les choses pour comprendre pourquoi nous les faisons, et elles nous
nourrissent dans tous les sens du terme, mais leur sens nous nourrit bien plus qu’il nous remplit.
Notre relation à la vie comme à l’art est plus mystique qu’économique.
Et même si elles ont moins de valeur, voire plus du tout une fois réalisées, parce que toutes les
images se construisent par recouvrement, pendant que l’œuvre efface l’idée. Elles n’ont pas moins
de sens, et c’est ce sens même qui a le plus de valeur car il nous permet de nous construire,
parfois de nous réparer et nous réinventer; comme une caisse à outils avec du matériel disponible
que l’on peut partager en racontant leurs histoires, nos histoires.
Cela nous construit d’autant plus quand de nouveaux parents d’adoption nous confirment qu’ils
sont heureux avec elles, ou encore que nos œuvres les aident à vivre et arrivent à un moment clé
de leurs vies, qu’elles ont un sens profond pour eux.
Il nous arrive parfois de douter, mais à ces moments précis, il n’y a plus de doutes, juste l’envie de
continuer à suivre notre instinct en donnant le meilleur de nous-mêmes.
Quand vous exposez en galerie, il est rare de rencontrer les acquéreurs de vos œuvres, ils sont
réduits à des clients et votre travail, à des objets de décoration qui deviennent des marqueurs de
réussite sociale. Cela n’a pas de sens.
C‘est pareil pour les visites avec les écoles et les centres sociaux. On vous fait comprendre que
ces lieux ne sont pas prévus, ni adaptés pour accueillir ce genre de public, car ils font fuir la
clientèle. Alors vous terminez votre exposition en repartant avec vos histoires sous le bras et le
sentiment de vous être, un temps, perdu à vouloir suivre ce décevant mirage collectif.

  • Tout humain a vitalement besoin de sens, sans cela notre vitalité nous quitte et nous mourons. Et
    quand vous parvenez sincèrement à donner du sens à un monde qui, en soi, n’en a pas, alors un
    sens plus grand peut se révéler à vous, transfigurant votre vie.
  • Les œuvres d’art établissent des liens entre les hommes et quand quelque chose transporte les
    gens, cela les pousse à agir.
    « Mais alors, dit Alice, si le monde n’a absolument aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un
    ?! », extrait d’Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll.
    C‘est pour cela que nous avons volontairement perdu le mode d’emploi pour essayer d’imaginer
    cette exposition comme un monde dans l’esprit des cabanes. Comme tentative entière, non
    brevetée, offrant une confrontation à l’imprévu, de manière à déconditionner notre regard; afin de
    retrouver notre condition d’homme libre à l’état brut et laisser la voie libre à notre pensée sauvage.
    « L’Art c’est l’homme ajouté à la nature. » Vincent Van Gogh »

 » La majeure partie des œuvres exposées auront un rapport, à la nature, aux arts primitifs ou encore
aux grandes mythologies revisitées, s’inspirant fortement de la théorie du « modèle intérieur » que
André Breton, chef de fil des surréalistes, énonce en 1925 : « Pour détourner l’art de la
représentation réaliste, l’artiste ne doit désormais s’attacher qu’aux seules images qui surgissent
du tréfonds de lui-même ».
Afin que chaque œuvre exposée reste, hérite d’une richesse narrative qui peut être racontée, et
qui se le doit si elle veut être transmise, nous souhaitons surtout que chacune d’elles puisse être
comprise, en racontant leurs histoires.

Et peu importe qu’elles plaisent ou déplaisent, le plus important, c’est qu’elles questionnent le
spectateur, afin qu’il réagisse. Et s’il réagit, il n’est plus spectateur, il devient alors acteur parce
qu’il interagit avec l’œuvre et son histoire, et c’est cela que nous recherchons.
De petits dispositifs mécaniques et lumineux seront installés dans l’exposition pour jouer avec les
ombres des œuvres accrochées, ainsi que celles sur pieds, pour offrir, depuis l’extérieur, une
impression de rite chamanique païen.
Au centre de l’exposition, il y aura une petite boutique, le STOP SHOP, en hommage au POP
SHOP de l’artiste américain Keith Haring qu’il a ouvert au milieu des années 80 à New York.
Mais avant de vous l’expliquer plus en détail, nous souhaitons déjà vous présenter le modèle qui
nous a inspiré et qui vous permettra ensuite de mieux comprendre le « concept » du STOP SHOP.
Andy Warhol a toujours pris en compte l’aspect commercial de l’art. Cette philosophie a incité
Keith Haring à ouvrir le POP SHOP en 1986 à New York.
Sa publicité annonçait : « on l’appelle le pop shop, t-shirt, affiche, pin’s, pendentifs, montres, vous
trouverez tous les produits de la dernière sensation pop art » Keith Haring.
Le pop shop était là pour contrer le discours classique qui consiste à dire que l’art n’était
accessible que moyennant des millions de dollars. La boutique n’a jamais rapporté d’argent, au
contraire elle en a perdu. On lui demanda alors, pourquoi ouvrir cette boutique?
Il répondit : «pour que chacun puisse accéder à l’art».
Nous partageons cette démarche depuis de nombreuses années et faisons en sorte que nos
œuvres ne se retrouvent pas uniquement sur les tables des plus riches mais aussi sur celles des
plus modestes.
Nous avons emprunté le circuit traditionnel (galeries et marchands d’art), qui sacralise l’art et ces
artistes en imposant une distanciation sociale, intellectuelle et financière, qui déshumanise les
œuvres.
Nous avons essayé le circuit alternatif qui fonctionne par le troc et même en remplissant notre part
du marché, nous avons perdu de nombreuses plumes.
Parce que nous sommes toujours et encore enfermés dans cette doctrine qui veut : Que quelque
chose n’a de valeur que si elle vous coûte cher. Nous pouvons en parler pour en avoir fait les frais,
c’est pour cela que nous avons décidé d’aborder une démarche tout à fait radicale avec le stop
shop qui bannit l’argent et contractualise l’échange par une véritable implication des deux parties
qui automatiquement donne un sens à la transaction. »

Mission accomplie, et il ne restait plus qu’à faire une restitution de tout ce travail, chose faite lors d’un petit « spectacle » où, à travers quelques tableaux, nous avons fait revivre notre historie, et la genèse de ce projet…

Nous avions intégré un diaporama photos / vidéos des trois semaines… Il est à préciser, que nous avons tout réalisé, y compris la musique, la nuit au gîte, entre deux pépitos…

Deux petits stop motion agrémentaient nos bios :

Le tout accompagné par deux scientifiques, voyageurs du temps …

Et maintenant, me direz vous ???

Eh bien, l’aventure continue, Mititeï est retourné dans sa montagne, inSOlo dans ses marécages, mais le stop shop et son contenu eux sont restés, ils sont à la Boutique. En effet, l’expérience continue avec des œuvres de Mititeï et inSOlo, et bientôt d’autres créatifs qui les rejoindront, l’aventure t’intéresse ? Alors contacte moi 😉

Je remercie tout particulièrement Mititeï pour avoir partagé ce moment important et, certes, à un rythme soutenu avec peu de sommeil mais tellement exaltant. Je remercie la Communauté de Communes du Pays de Lumbres, son président, qui jamais ne ferme la porte, même aux idées les plus saugrenues, remerciement tout particulier à Sarah responsable du Réseau PLUME (Médiathèques) et du service Culturel, remerciement à Annick pour l’accueil dans son merveilleux gîte au bord de l’Aa, et toutes les personnes qui ont joué le jeu, qui ont été curieuses, merci à toutes et tous et n’oublions jamais que les mecs qui font des trucs ne peuvent exister que si des gens viennent les voir…

Je dédicace ce projet à mon père qui nous a quitté juste avant le démarrage de cette résidence.

A SUIVRE ….

Restez curieux !!!!